Confrontée à la Mort tout en Étant Vivante

Anouchka Blessed
6 min readAug 1, 2021
Mumbai, Inde — 2019 ©

Il me plait à croire que je suis née deux fois. J’ai vu le jour en février 1979, dans une banlieue parisienne, à l’issue d’un accouchement douloureux, arrachée des entrailles de ma mère. Je suis née une seconde fois en avril 2012, dans un monastère bouddhiste situé sur les collines de Katmandou, dans la douceur salée de mes larmes.

En réalité, ma vie a été une succession de morts et de naissances. Je suis morte un millier de fois.

Je suis morte, au Sri Lanka, dans une voiture, recroquevillée sur les genoux d’un milliardaire, pleurant l’inéluctable débâcle de l’affaire que j’avais créée à Singapour. Mais laissez-moi vous dire que les circonstances, aussi glamour qu’elles apparaissent, ne minimisaient en rien le côté négatif de l’expérience. La douleur et la tristesse étaient bel et bien présentes.

Je suis morte, affligée, chaque fois que j’ai eu à quitter un endroit ou que j’ai dû faire mes adieux à certaines personnes, sans savoir si je les retrouverais un jour.

Je suis morte quand j’ai voulu lâcher tout ce que j’avais accompli en travaillant à la sueur de mon front, afin de devenir la personne que je voulais être.

Je suis morte toutes ces fois où j’ai changé mon point de vue et mes croyances qui ne me correspondaient plus.

Je suis morte quelques fois sur mon tapis de yoga, en shavasana, tandis que le poids de mon corps s’enfonçait dans le sol, et que je relâchais mes blocages et guérissais mes blessures intérieures.

Je suis morte en recherchant un sens à ma vie et des certitudes lorsqu’il n’y en avait pas.

Je suis morte dans ce monastère bouddhiste, lorsque j’ai pris la ferme décision de renaître à moi-même, délaissant peu à peu mes modes de pensée obsolètes, pour faire place à la nouveauté, tout en acceptant le caractère éphémère de la vie.

La vie m’a donné l’occasion d’abandonner les choses les plus chères à mes yeux. J’ai ainsi découvert le monde du « non-attachement » ; un monde où il n’est nul besoin de s’accrocher ni aux personnes, ni aux choses. Ce fut une longue et lente succession d’expériences qui m’a conduit à modifier tant mon régime alimentaire, que mes relations avec les autres et avec moi-même.

On nous a tous appris que la mort est en fait la fin de la fin. La fin [cri d’horreur]. Bon sang ! Nous en avons tous peur. La naissance et la mort, l’arrivée et le départ des choses, voilà les scénarios les plus dramatiques de notre existence.

Sur un plan personnel, j’ai été amenée à savoir que la mort n’est pas une fin. J’ai trouvé plus de paix et d’enrichissement dans toutes ces petites expériences de mort que dans n’importe quelle autre tentation du monde matériel.

La petite mort. Je tiens à présenter mes excuses aux personnes ayant l’esprit mal placé, mais je ne fais ici aucunement allusion au sexe. Je parle en fait de ce bref instant d’abandon de l’esprit et de l’égo où pendant une courte durée, le monde se volatilise et où nous sommes soudainement ouverts à l’idée d’une union extatique avec quelque chose au-delà de nous-même.

Ces petites morts-là diffèrent de celles où les gens rapportent des expériences de mort imminentes, où ils voient défiler leurs vies en l’espace de quelques secondes avec pour certains la vision d’une lumière vive au bout du tunnel. Non, rien à voir. Ces petites fins constituent un portail, une transition vers un monde intérieur différent et nouveau.

L’instant où une partie de soi se meure pour qu’une autre puisse naître peut paraître quelque peu déroutant, déconcertant et perturbant — pour soi, et surtout lorsqu’on interagit avec les autres. En tant qu’être humain en plein processus de renouvellement, aucune autre question ne me procure autant d’angoisse que celle-ci : « Alors, que faites-vous dans la vie ? ».

J’ai eu du mal à trouver une phrase percutante qui pourrait refléter mon état de non-existence professionnelle actuel. Ne souhaitant évoquer ni mon passé ni mon futur, je suis arrivée à la réponse lacunaire suivante : « Je suis en transition ». La réponse la plus proche de mon vécu aurait pu être : « Je suis d’une certaine manière dans une sorte de quatrième dimension où surgissent fugacement les lambeaux de ma carrière précédente, bien qu’elle appartienne à mon passé ».

Hmm. Pause. Revenons un peu en arrière.

« Je suis en transition. »

Ces petites réinitialisations représentent une sorte de vide, où votre égo se retrouve confronté au noir total, errant dans l’abîme de la non-existence.

En tant que personne qui a justement erré pendant un temps considérable dans l’obscurité, et qui s’en est sortie, je sais pertinemment que le monde ne se volatilise pas. Il suit son cours, sous toutes les formes, en incluant la persistance des émotions conflictuelles et des doutes personnels — j’ai peur et je n’ai pas peur. Ça a de l’importance et ça n’a aucune importance. C’est réel et ce n’est pas réel. Je ne suis rien et je suis tout. Je suis ceci et je suis cela. Je ne suis pas ceci et je ne suis pas cela.

Malgré toutes ces pensées et émotions diverses, il n’y a rien eu d’aussi grandiose que de faire face simultanément à la beauté de la vie et la réalité de la mort de la personne que j’étais auparavant. Je vois la « moi » du passé comme un tout autre être. Ah ! J’étais tellement plus vieille avant. Maintenant, je rajeunis d’année en année ! Mes habitudes ont changé ; mes dispositions et mes réactions émotionnelles sont différentes, et après avoir lâché prise de presque tout ce que l’égo retient (l’orgueil, le statut social, la richesse financière, les réalisations personnelles, …) et après m’être débarrassée de presque tout ce qui était inauthentique et faux dans mon identité, maintenant, je veux simplement ÊTRE.

Marc Aurèle, l’un des philosophes les plus brillants et influents, que j’apprécie tout particulièrement, nous déclare dans ses écrits (Pensées pour moi-même) : « Encore un instant et tu ne seras plus que poussière, un squelette, un nom, et bientôt pas même un nom ; car la renommée n’est qu’un bruit et un écho qui s’évanouit. Toutes les choses qu’on recherche si ardemment dans la vie sont bien vides, bien corrompues, bien mesquines (…) Il faut vivre conformément à la nature le reste d’existence qui t’est laissé par grâce, comme si tu étais déjà mort et que tu eusses vécu tout le temps qui t’a été accordé jusqu’à aujourd’hui ».

Ce que Marc Aurèle se dit (et par la même occasion nous dit), c’est de nous voir comme si nous étions déjà morts car c’est un formidable outil pour améliorer notre vie actuelle. Alors, en suivant ce conseil, je veux simplement ÊTRE et avoir le courage de VIVRE pleinement cette offre unique (alias « la vie ») dans ma nature véritable.

Cet hiver, je me débarrasse d’une autre petite partie de moi-même, qui meurt petit à petit. J’ai été ramenée à la vie et l’on ma donné une seconde chance.

Rares sont les secondes chances.

S’il vous arrivait de découvrir que vous aviez l’occasion de vivre une seconde fois, que feriez-vous ? Feriez-vous comme avant ou bien aborderiez-vous la vie d’une manière différente ?

Quant à moi, je veux maximiser chaque aspect de ma vie.

Je crois que chaque fin d’année marque un seuil et nous invite à observer une pause pour la réflexion, l’introspection. Il s’agit du moment idéal pour faire le point et tourner notre regard vers l’avenir. Douze mois se sont écoulés — trop vite ou trop lentement ? Peu importe de quel côté nous penchons, il y a de grandes chances que nous tombions tous d’accord que 2020 a été une année tumultueuse et difficile. Le chaos a peut-être été décisif pour celles et ceux d’entre vous qui recherchaient le changement. Il n’y a pas de meilleur moment que celui-ci pour réfléchir au caractère fugace et impermanent de la vie — tout est changement, rien n’est immuable et la vie s’écoule comme le sable d’un sablier que l’on ne peut rien retenir entre nos mains — et je vous laisse sur cet éternel dicton : « Vivez comme si vous étiez en train de mourir. »

Vous ne pouvez bien mourir que si vous comprenez que votre disparition fait partie du processus naturel de la vie.

Alors, mes chers ami(e)s, à l’approche de cette nouvelle année, mourons tous bien pour vivre plus intensément !

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Anouchka Blessed

I have worn many hats. But truly speaking, I am best at being myself, without any label. Sharing personal growth insights and my life experience.